Une journée de visite type au centre d’essais de Ban Kapeu

8h30 : La quinzaine de villageois arrivent, entassés dans le pick-up du SFE. Parité oblige, les femmes sont présentes au même nombre que les hommes. Elles ont revêtu leurs plus beaux « sin » l et je fais donc de même, en espérant qu’en brisant la barrière vestimentaire, j’effacerai aussi un petit peu le fossé monumental qui existe entre eux et nous, les « falangs ». A peine cette jupe traditionnelle enfilée que tout le monde s’extasie de notre beauté, compliment qui se fait tout naturellement ici. La glace se brise plus rapidement, même si les regards curieux et les sourires timides sont de mise pour la journée. On s’installe dans notre « salle de réunion » : une dalle de béton protégée par une avancée du toit, avec une enfilade de tabourets.

9h00 : Tha, le technicien agricole du centre, fait une brève introduction à la journée en présentant le centre et le programme. Chacun doit alors se présenter à tour de rôle. Une action évidente pour nous, mais pas ici. Les hommes s’expriment assez facilement, ils sont sûrs d’eArt_Manon_femmesux. Les femmes sont en revanche mal à l’aise. Elles rient, se cachent derrière l’épaule de leur voisine, et s’expriment difficilement. Pour certaines, c’est une véritable épreuve de se présenter devant une audience, si petite soit-elle. Encore plus en lao qui n’est en général pas la langue parlée dans leur village. C’est là que la prise de conscience de nos différences débute. Il est facile de parler de participation, de communication et d’égalité… Il est plus difficile d’atteindre cet idéal sur le terrain.

9h30-10h30 : C’est le moment de débuter avec l’activité du matin. Selon la saison et selon les besoins du centre, on met en place une nouvelle technique avec les villageois. Ils sont invités à le faire eux-mêmes et Tha leur fournit l’explication détaillée : quand et comment le faire, pourquoi, quel est l’intérêt, comment faire le suivi… En mai-juin, c’est le début de la saison des pluies, il y a donc beaucoup à faire. Lors de la dernière visite, nous avons implanté du Mulato, une graminée pérenne, en bandes alternées dans le verger. Ce dernier étant en pente, le Mulato va permettre de lutter contre l’érosion et de restructurer le sol, tout en pouvant être utilisé comme fourrage pour les animaux. Les groupes étant petits, chacun peut mettre la main à la pâte et poser ses questions. Régulièrement, un atelier vaccination est également mis en place, pour apprendre aux villageois l’importance de cette action, et leur montrer comment l’effectuer sur les petits animaux.

10h30-12h : Tha fait une visite guidée du centre. Le tour débute avec l’atelier animal, ses enclos propres et la nourriture équilibrée, les bassins de poissons chats, qui remportent toujours un franc succès, l’élevage de criquet, qui provoque la curiosité… Et puis, il y a le tour du potager : comment gérer et associer les différentes espèces végétales pour en produire toute l’année.

12h-13h30 : Pause déjeuner. La mébaan (cuisinière) prépare pour l’occasion un repas complet, montrant comment préparer criquets-poissons et légumes.Art_Manon_grillons Avant de pouvoir manger, la composition d’un repas équilibré est rappelée. On peut ensuite ouvrir les boîtes de riz gluant et se servir avec les mains dans les plats partagés de criquets, soupe de poisson agrémentée de légumes et de feuilles, et du typique « lap », le poisson haché menu avec des feuilles de menthe. Un plateau de fruits de saisons est finalement servi : ramboutans et litchis sont au goût du jour.

13h30-14h : Pour mieux digérer et se motiver pour l’après-midi, une séance de jeux collectifs est organisée. Les rires résonnent dans les bureaux, il est tellement facile d’amuser les laos ! Ceux qui perdent ont un gage : chanter thaï ou imiter le tùk-tùk…

Art_Manon_compost14h-15h : La deuxième activité est lancée. Les villageois sont une fois encore invités à faire eux-mêmes du compost, du bio-extract ou des insecticides naturels, et à poser leurs questions. Certains font aussi des remarques sur telle ou telle technique qui ne fonctionne pas, ou sur ce qu’ils ont pu observer chez leurs voisins, adapter et améliorer.

15h-16h : La journée touche déjà à sa fin. L’heure des remerciements est venue. Chacun doit revenir sur ce qui l’a le plus marqué, sur ce qu’il a appris. Beaucoup expriment leur volonté d’essayer une ou deux techniques chez eux. Tous ne le feront pas, mais ceux qui le font deviennent alors des exemples au sein de leur communauté. Nous restons donc avec l’espoir que petit à petit les techniques se diffuseront, seront adaptées. Tous repartent avec des petits sachets de graines, et sûrement des dizaines de choses à raconter à leurs familles le soir venu. La visite du centre doit permettre aux villageois, tout comme les autres méthodes utilisées, d’acquérir les connaissances techniques dont ils ont fait la demande pour pouvoir se développer sur le long terme.

Ceci est un extrait d’un article de Manon Lelarge, Elève ingénieure Agrosup Dijon publié dans la revue POUR suite à son stage effectué à la ferme de ban Kapeu. Pour l’article complet, voir ici.